jeudi 7 février 2013

Ninfeo Mio - Always Summer

Ces jours-ci, je deviens nostalgique.

En effet, les réminiscences associées au parfums et aux odeurs peuvent être perverses. Il m'a en effet suffi récemment vaporiser de un peu de Ninfeo Mio et de regarder mes photos de vacances de Berlin pour me plonger dans un état de Sehnsucht en face duquel un romantique allemand n'aurait pas à rougir.

Bien entendu, le reste de ce billet n'aura rien à voir avec l'Allemagne, Berlin ou même le romantisme. Il s'agira plutôt de traiter de cette mélancolie liée au souvenir de lieux, d'impressions grâce au pouvoir évocateur de l'odorat. Pour faire simple, si le souvenir doux amer d'un été devait être évoqué par un parfum, ce serait Ninfeo Mio que je choisirais.

Pourtant, plus que mes propres souvenirs, c'est à ceux du colonel Charles Ryder dans Brideshead Revisited, chef d'oeuvre de Evelyn Waugh, que je rattache la douce mélancolie de Ninfeo Mio.

"If it could only be like this alway
- always summer,
always alone,
the fruit always ripe,
and Aloysius in a good temper. ..."





(j'ai choisi un extrait de la version de 2008 parce que je suis faible et que j'aime me faire du mal)

En tant que vrai fanatique de ce roman, je considère Brideshead Revisited comme l'un de mes livres préférés, mais également comme l'un de ceux que je déteste le plus. En effet, j'ai un faible pour les histoires d'Oxoniens tragiques remplis de métaphores et d'allégories superbes, mais à chaque relecture je finis par avoir le coeur lacéré par un torrent d'émotions - Evelyn Waugh est un pervers sadique.

C'est étrangement ce que je ressens également avec Ninfeo Mio : j'ai une vrai relation amour/haine avec ce parfum, que je considère comme une réussite absolue mais dont j'aime dire du mal par pure perversité : que le fond bois-qui-piquent est dégueu, que je déteste le porter, que la figue est un peu écoeurant et qu'au final, j'aurais mieux fait d'investir mes sous dans l'Eau d'Hadrien. Mais le point n'est pas là.

Ce que Ninfeo Mio et Brideshead Revisited -du moins la première partie, que je relis tout le temps, Et In Arcadia Ego- ont en commun, c'est une espèce de nostalgie renvoyant à un été fantasmé. J'entends par là que Ninfeo avec ses notes vertes, hespéridées, boisées, ne renvoie pas nécessairement à un jardin en été qui existerait réellement, mais plutôt à l'idée qui, des années après, germerait dans l'esprit d'un rêveur nostalgique. De même, Ninfeo Mio a, selon moi, un côté assez mélancolique (ou bien j'ai trop intériorisé ce parfum et je suis totalement déconnectée de la réalité - une possibilité que je n'exclus pas). Bien entendu, nous ne sommes pas dans un spleen baudelairien à la Lutens, mais tout de même, Ninfeo possède une beauté rêveuse et légèrement triste, tout comme peut l'être une chanson de Belle and Sebastian.




Pour revenir à Brideshead Revisited, je pense que le côté mélancolique de Ninfeo Mio correspond tout à fait à la première partie : la fascination éprouvée par Charles Ryder, un jeune peintre légèrement arriviste pour l'excentrique Sebastian Flyte, et sa famille catholique disfonctionnelle. La douceur des soirées d'Oxford passées à manger des fraises et siroter du champagne, et surtout, cet été magique passé entre Bridshead et Venise, un moment d'insouciance avant la chute, terrible, qui touchera tous les protagonistes.

Ninfeo Mio, ce serait le parfum doux amer des derniers moments d'innocence, avant que tout ne bascule.