vendredi 1 mars 2013

Du parfum et du dandysme

(article méchant en vue)


Dandy !

Dandy semble être le mot que se sont donnés les marques de niches en quête de crédibilité (et de clientèle). Si le dandy moderne semble, à bien des égards, être la cible privilégiée du parfumeur - contemporain plus qu'historique, lequel se vautre peut être moins dans de tels artifices afin d'attirer une clientèle exigeante, l'exercice de séduction du esthète s'avère peut être plus difficile que le simple fait de draguer le prétentieux à l'aide de références plus ou moins douteuses (Oscar Wilde ! Décadence ! Baudelaire ! Fin de Siècle ! Youpi !).

(Oui, de Profundis, c'est de toi que je parle) 

En effet, il semble bien simple de jeter quelques références bien choisies lors d'une présentation marketing, et de jouer sur le même registre dans le but de créer - oserai-je le dire ? - le parfum dandy ultime. Souvent les mêmes notes, toujours le même discours prétentieux. De l'oud, de l'oeillet, de l'encens, de l'iris, de la tubéreuse, des notes animales. Des parfums lourds comme s'ils avaient été taillés dans le velours cramoisi poussiéreux d'un hôtel particulier qui aurait jadis abrité de nombreuses fêtes décadentes, et serait laissé à pourrir dans l'air du temps.


bitch, please.

Bien entendu, il est facile de faire des généralités, comme ce que je viens de faire. Indéniablement,  nombre de ces parfums que je pointe du doigt (ou du moins, l'esthétisme) sont loin d'être mauvais, et sont même parfois très réussis (certains Lutens, certains Etat Libre d'Orange : les références ne manquent pas)

Si le dandy, par nature est esthète et apprécie la beauté, il serait trop simple de se complaire dans une esthétique baroque pour le satisfaire alors que, selon moi, la simplicité du costume dandy - certes frivole - démontre bien que l'artifice, et bien, n'est qu'artifice, et donc secondaire. Finesse, élégance, originalité devraient avant tout être une inclination d'esprit, l'attirail vestimentaire, le paraître, bien qu'indispensables, sont l'accessoire d'un esprit bien formé qui maîtrise avec subtilité l'art du langage, lequel pourra être aussi soutenu, ou tordu, tel qu'il vous plaira.

"Le mot dandy implique une quintessence de caractère et une intelligence subtile de tout le mécanisme moral de ce monde" - Charles Baudelaire

C'est pour cela que je pense qu'un parfum dandy ne devrait pas remplacer l'esprit du dandy, qui s'exprime par la langue, mais au contraire le mettre en valeur par une simplicité recherchée, mais non dénuée de beauté.

Choisir un parfum dandy ? J'irai pour ma part me tourner naturellement vers les colognes, les aromatiques et les hespéridés, mettant joliment en valeur une jolie personnalité. Simplicité et élégance : mon choix se portera donc naturellement vers Blenheim Bouquet de Penhaligon's, une lavande hespéridée aux notes de poivre et de pin, terriblement classique et british. De la même marque, English Fern et ses relents de savon à barbe pourront séduire le dandy tendance gentleman farmer, ou une jolie femme portant du tweed. Enfin, pour tous les élégants, l'Eau d'Hadrien sera toujours un compromis de très bon goût : sa beauté si simple me surprend toujours avec délectation à chaque application.


Je ne nie pas que ce choix est très personnel, et je ne veut en aucun cas que ceux qui apprécient les fragrances plus capiteuses se sentent visés, ou menacés par mon jugement - terrible, je le reconnais. Cela ne fera pas moins d'eux des dandys et des esthètes. A l'heure de l'anorexie olfactive, tout gargantuisme olfactique est le bienvenu.





Le dandy reste un être suffisamment compliqué, laissons le superflu à ceux qui n'ont que peu à offrir. Un verre de vin, de la musique, un beau parfum et surtout, une bonne compagnie : que demande le peuple ?

jeudi 7 février 2013

Ninfeo Mio - Always Summer

Ces jours-ci, je deviens nostalgique.

En effet, les réminiscences associées au parfums et aux odeurs peuvent être perverses. Il m'a en effet suffi récemment vaporiser de un peu de Ninfeo Mio et de regarder mes photos de vacances de Berlin pour me plonger dans un état de Sehnsucht en face duquel un romantique allemand n'aurait pas à rougir.

Bien entendu, le reste de ce billet n'aura rien à voir avec l'Allemagne, Berlin ou même le romantisme. Il s'agira plutôt de traiter de cette mélancolie liée au souvenir de lieux, d'impressions grâce au pouvoir évocateur de l'odorat. Pour faire simple, si le souvenir doux amer d'un été devait être évoqué par un parfum, ce serait Ninfeo Mio que je choisirais.

Pourtant, plus que mes propres souvenirs, c'est à ceux du colonel Charles Ryder dans Brideshead Revisited, chef d'oeuvre de Evelyn Waugh, que je rattache la douce mélancolie de Ninfeo Mio.

"If it could only be like this alway
- always summer,
always alone,
the fruit always ripe,
and Aloysius in a good temper. ..."





(j'ai choisi un extrait de la version de 2008 parce que je suis faible et que j'aime me faire du mal)

En tant que vrai fanatique de ce roman, je considère Brideshead Revisited comme l'un de mes livres préférés, mais également comme l'un de ceux que je déteste le plus. En effet, j'ai un faible pour les histoires d'Oxoniens tragiques remplis de métaphores et d'allégories superbes, mais à chaque relecture je finis par avoir le coeur lacéré par un torrent d'émotions - Evelyn Waugh est un pervers sadique.

C'est étrangement ce que je ressens également avec Ninfeo Mio : j'ai une vrai relation amour/haine avec ce parfum, que je considère comme une réussite absolue mais dont j'aime dire du mal par pure perversité : que le fond bois-qui-piquent est dégueu, que je déteste le porter, que la figue est un peu écoeurant et qu'au final, j'aurais mieux fait d'investir mes sous dans l'Eau d'Hadrien. Mais le point n'est pas là.

Ce que Ninfeo Mio et Brideshead Revisited -du moins la première partie, que je relis tout le temps, Et In Arcadia Ego- ont en commun, c'est une espèce de nostalgie renvoyant à un été fantasmé. J'entends par là que Ninfeo avec ses notes vertes, hespéridées, boisées, ne renvoie pas nécessairement à un jardin en été qui existerait réellement, mais plutôt à l'idée qui, des années après, germerait dans l'esprit d'un rêveur nostalgique. De même, Ninfeo Mio a, selon moi, un côté assez mélancolique (ou bien j'ai trop intériorisé ce parfum et je suis totalement déconnectée de la réalité - une possibilité que je n'exclus pas). Bien entendu, nous ne sommes pas dans un spleen baudelairien à la Lutens, mais tout de même, Ninfeo possède une beauté rêveuse et légèrement triste, tout comme peut l'être une chanson de Belle and Sebastian.




Pour revenir à Brideshead Revisited, je pense que le côté mélancolique de Ninfeo Mio correspond tout à fait à la première partie : la fascination éprouvée par Charles Ryder, un jeune peintre légèrement arriviste pour l'excentrique Sebastian Flyte, et sa famille catholique disfonctionnelle. La douceur des soirées d'Oxford passées à manger des fraises et siroter du champagne, et surtout, cet été magique passé entre Bridshead et Venise, un moment d'insouciance avant la chute, terrible, qui touchera tous les protagonistes.

Ninfeo Mio, ce serait le parfum doux amer des derniers moments d'innocence, avant que tout ne bascule.